le Tartuffe (extrait)
Le Tartuffe (extrait)
L’amour qui nous attache aux beautés éternelles
N’étouffe pas en nous l’amour des temporelles ;
Nos sens facilement peuvent être charmés
Des ouvrages parfaits que le ciel a formés
Ses attraits réfléchis brillent dans vos pareilles ;
Mais il étale en vous ses plus rares merveilles
Il a sur votre face épanchée des beautés
Dont les yeux sont surpris, et les cœurs transportés,
Et je n’ai pu vous voir, parfaite créature,
Sans admirer en vous l’auteur de la nature,
Et d’une ardente amour sentir mon cœur atteint,
Au plus beau des portraits ou lui même il s’est peint
D’abord j’appréhendai que cette ardeur secrète
Ne fut du noir esprit une surprise adroite ;
Et même à fuir vos yeux mon cœur se résolut,
Vous croyant un obstacle à faire mon salut
Mais enfin je connus, o beauté toute aimable,
Que cette passion ne peut n’être point coupable,
Que je puis l’ajuster avec la pudeur,
Et c’est ce qui m’y fait abandonner mon coeur
Jean Baptiste Poclain
De Molière