les amants magnifiques
Les amants magnifiques
Ah ! Que sur notre cœur la sévère loi de l’honneur
Prend un cruel empire !
Je ne fais voir que rigueurs pour Tircis,
Et cependant, sensible à ces cuisants soucis,
De sa langueur en secret je soupire,
Et voudrais bien soulager son martyre.
C’est à vous seuls que je le dis :
Arbres, n’allez pas le redire.
Puisque le ciel a voulu nous former
Avec un cœur qu’Amour peut enflammer,
Quelle rigueur impitoyable
Contre des traits si doux nous force à nous armer,
Et pourquoi, sans être blâmable,
Ne peut-on pas aimer
Ce que l’on trouve aimable ?
Hélas ! Que vous étés heureux,
Innocents animaux, de vivre sans contrainte,
Et de pouvoir suivre sans crainte
Les doux emportements de vos cœurs amoureux !
Hélas ! Petits oiseaux, que vous etes heureux
De ne sentir nulle contrainte,
Et de pouvoir suivre sans crainte
Les doux emportements de vos cœurs amoureux !
Mais le sommeil sur ma paupière
Verse de ses pavots l’agréable fraîcheur ;
Donnons-nous à lui toute entière :
Nous n’avons point de loi sévère
Qui défende à nos sens d’en goûter la douceur.
Jean Baptiste Poclain
De Molière