Le grand Meaulnes
Le grand Meaulnes
Je n’ai jamais fait de longue promenade à bicyclette. En rêve seulement, j’avais connu jusque-là une promenade aussi charmante, aussi légère. Car c’était, il faut le dire, le chemin du pays de Meaulnes que je parcourais ainsi…
« Un peu avant l’entrée du bourg, me disait Meaulnes, on voit une grande roue à palettes que le vent fait tourner… »
C’est seulement au crépuscule de cette journée de fin d’aout que j’aperçus, tournant au vent dans une immense prairie, la grande roue qui devait monter l’eau pour une ferme voisine. Arrivée sur le pont, je découvris enfin la grand-rue du village.
Je me rappelais que la tante Moinel habitait là, sur une petite place de la Ferté-d’Anguillon. Lorsque j’ai découvert sa maison, je l’appelai bien fort par la porte entrouverte, et je l’entendis tout au bout des trois pièces en enfilade pousser un petit cri suraigu : « Eh là ! Mon Dieu !... »
Et voici que ce soir-là, le diner fini, elle vint s’asseoir à mon chevet et commença de sa voix la plus mystérieuse et la plus pointue :
« Mon pauvre François, il faut que je te raconte à toi ce que je n’ai jamais dit à personne… »
Alain Fournier