un cas de divorce
Un cas de divorce (extrait)
J’ai trouvé, je crois. Elle a dans toute sa personne quelque chose d’idéal qui ne semble point de ce monde et qui donne des ailes à mon rêve. Ah ! Mon rêve, comme il me montre les êtres différents de ce qu’ils sont ! Elle est blonde, d’un blond léger avec des cheveux qui ont des nuances inexprimables. Ses yeux sont bleus. Seuls les yeux bleus emportent mon âme. Toute la femme, la femme qui existe au fond de mon cœur, m’apparaît dans l’œil, rien que dans l’œil.
Oh ! Mystère ! Quel mystère ? L’œil ?... Tout l’univers est en lui, puisqu’il le voit, puisqu’il le reflète. Il contient l’univers, les choses et les êtres, les forets et les océans, les hommes et les bêtes, les couchers de soleil, les étoiles, les arts, tout, tout, il voit, cueille et emporte tout ; et il y a plus encore en lui, il y a l’âme, il y a l’homme qui pense, l’homme qui aime, l’homme qui rit, l’homme qui souffre ! Oh regardez les yeux bleus des femmes, ceux qui sont profonds comme la mer, changeants comme le ciel, si doux, si doux, doux comme les brises, doux comme la musique, doux comme des baisers, et transparents, si clairs qu’on voit derrière, on voit l’âme bleue qui les colore, les anime, qui les divinise.
Guy De MAUPASSANT