Les ténèbres et l'Aurore

Publié le par L'Hocine M.Anis

Les ténèbres et l’aurore

 

   -Vous etmoi, Béatrice, dit-il en lui prenant la main. Rien que vous et moi !

   -Et l’amour, souffla-t-elle.

   -Et l’espoir, et la vie ! Et la terre renaissante. Les arts et les sciences, les langues et les lettres, la vérité, « toutes les gloires du monde » qui nous sont donnés pour les transmettre ! Ecoutez ! La race des hommes, notre race doit revivre, et elle revivra ! De nouveau les forets et les plaines seront les conquètes de notre sang. De nouveau des villes scintillantes se dresseront, des navires sillonereont les mers et le monde progressera vers une plus grande sagesse, un avenir meilleur ! Ce sera cette fois un monde plus sain, moins dur. Plus de misère, plus de guerres, plus de pauvretés, de malheur, d’oppression, de larmes, car nous sommes plus sages que nos ancètres et nous ne commettrons pas d’erreurs.

   Il s’interrompit, le visage radieux. Il se souvenait de la prophétie d’un grand orateur d’un autre temps. Et, très lentement, il reprit :

   -Béatrice, ce sera un monde ou les trones se sont écroulés, ou les rois ne sont plus que poussière. L’aristocratie de l’oisiveté ne règnera plus ! Un monde sans un seul esclave ! L’homme enfin sera libre ! « Un monde de paix, orné de toutes les formes d’art, ou chante la musique de myriades de voix, ou les lèvres sont riches de mots d’amour et de vérité. Un monde ou nul éxilé gémit, aucun prisonnier ne se lamente ; un monde sur lequl ne tombera jamais l’ombre du gibet. Une race sans maladies de la chair ou de l’esprit, belle et forte, harmonieuse de form et de fonction. Et sous mes yeux la vie s’allonge, la joie s’approfondit, et sous l’immence dome brille l’étoile éternelle de l’espoir humain ! ».

   -Et l’amour ? murmura-t-elle en souriant, donnant à ses mots une profondeur sacrée.

   En elle s’éveillait l’universelle maternité, l’espoir de toutes choses à devenir, l’appel des enfants à naitre, la voix insistante de la race dont l’embryon était dèjà là.

  -Et l’amour ! Répondit-il très tendrement, très gravement.

   Las, mais fort encore, il la contempla. Et son regard se fit avide et profond. Doux comme le miel de l’Hymette était le parfum du verger, un poudroiement de fleurs blanches et roses parmi lesquelles les abeilles, chargées de pollen, se livraient à leur joyeuse besogne féconde. Fraiche, la brise matinale. Clair, tiède, radieux le soleil de juin, le soleil d’été se levant au-delà des collines scintillantes.

   -La vie, partout… et l’amour.

   L’amour aussi pour eux. Pour cet homme et pour cette femme, l’amour, le mystère, le plaisir et l’éternelle douleur.

   De son bras valide, il l’enlaça. Il se pencha, l’attira vers lui et elle leva vers lui son visage. Et pour la première fois leurs bouches s’unirent. Leurs lèvres depuis longtemps affamés de cette folie se fondirent en un baiser de passion et de joie.

 

George Allan England

Publié dans livres

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article