Le médecin malgré lui (extrait)

Publié le par L'Hocine M.Anis

Le médecin malgré lui (extrait)

 

 

Non, vous dis-je ; ils m’ont fait médecin malgré mes dents. Je ne m’étais jamais mêlé d’être si savant que cela ; et toutes mes études n’ont été que jusqu’en sixième. Je ne sais point sur quoi cette imagination leur est venue ; mais quand j’ai vu à toute force ils voulaient que je fusse médecin, je me suis résolu de l’être aux dépens de qui il appartiendra. Cependant vous ne sauriez croire comment l’erreur s’est répandue, et de quelle façon chacun est endiablé à me croire habile homme. On me vient chercher de tous les cotés ; et si les choses vont toujours de même, je suis d’avis de m’en tenir, toute ma vie à la médecine. Je trouve que c’est le métier le meilleur de tous ; car, soit qu’on fasse bien ou soit qu’on fasse mal, on est toujours payé de même sorte. La méchante besogne ne tombe jamais sur notre dos, et nous taillons, comme il nous plait, sur l’étoffe ou nous travaillons. Un cordonnier, en faisant des souliers, ne saurait gâter un morceau de cuir qu’il n’en paye les pots cassés ; mais ici l’on peut gâter un homme sans qu’il en coûte rien. Les bévues ne sont point pour nous ; et c’est toujours la faute de celui qui meurt. Enfin, le bon de cette profession est qu’il y a parmi les morts une honnêteté, une discrétion la plus grande du monde ; et jamais on n’en voit se plaindre du médecin qui l’ tué.

 

 

Jean Baptiste Poclain

        De Molière

 

 

 

Publié dans théatre

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