le berger et la mer

Publié le par L'Hocine M.Anis

 

Le Berger et la Mer

 

D u rapport d’un Troupeau dont il vivait sans soins
 Se contenta longtemps un voisin d’Amphitrite.
 Si sa fortune était petite,
 Elle était sûre tout au moins.
5 À la fin les trésors déchargés sur la plage
 Le tentèrent si bien qu’il vendit son Troupeau,
 Trafiqua de l’argent, le mit entier sur l’eau ;
 Cet argent périt par naufrage.
 Son Maître fut réduit à garder les Brebis ;
10 Non plus Berger en chef, comme il était jadis,
 Quand ses propres Moutons paissaient sur le rivage :
 Celui qui s’était vu Corydon ou Tircis,
 Fut Pierrot et rien davantage.
 Au bout de quelque temps il fit quelques profits,
15 Racheta des bêtes à laine :
 Et comme un jour les vents retenant leur haleine
 Laissaient paisiblement aborder les vaisseaux :
 « Vous voulez de l’argent, ô Mesdames les Eaux,
 Dit-il, adressez-vous, je vous prie, à quelque autre
20 Ma foi, vous n’aurez pas le nôtre. »

 Ceci n’est pas un Conte à plaisir inventé.
 Je me sers de la vérité
 Pour montrer par expérience
 Qu’un sou quand il est assuré
25 Vaut mieux que cinq en espérance ;
 Qu’il se faut contenter de sa condition ;
 Qu’aux conseils de la Mer et de l’Ambition
 Nous devons fermer les oreilles.
 Pour un qui s’en louera, dix mille s’en plaindront.
30 La Mer promet monts et merveilles ;
 Fiez-vous-y, les vents et les voleurs viendront.

 

Jean de la Fontaine

 

Publié dans livres

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